Finances News Hebdo : Une exploration approfondie du capital-investissement
Farid Benlafdil : Le concept de capital-investissement désigne un domaine fascinant où l’argent est injecté dans des entreprises qui ne sont pas encore flamboyantes sur le marché boursier. Il s’agit souvent de soutenir leur expansion ou de les restructurer profondément. En contrepartie, les investisseurs espèrent récolter des bénéfices en revendant leur participation après quelques années fructueuses, typiquement autour de quatre à six ans.
F.N.H. : Quel est le paysage du capital-investissement au Maroc ?
F. B. : En matière de capital-investissement, le Maroc connaît une dynamique croissante, bien que le secteur demeure relativement modeste comparé aux standards internationaux. Sur les deux dernières décennies, seulement 280 entreprises ont opté pour ce type de financement alternatif, avec un investissement total de 14 milliards de dirhams. En gros, cela fait une moyenne de 14 entreprises chaque année, soit environ 50 millions de dirhams par entreprise. En 2023, seulement 25 d’entre elles ont été sélectionnées pour ouvrir leur capital à des fonds d’investissement. On attend avec impatience l’arrivée du Fonds Mohammed VI pour l’investissement en 2025, qui pourrait considérablement booster cette industrie, doublant ainsi sa taille dans un futur proche.
F.N.H. : Qui sont les acteurs majeurs du capital-investissement au Maroc ?
F. B. : Le Maroc abrite une vingtaine de sociétés de gestion de fonds d’investissement, qui depuis les années 2000, ont levé 68 fonds totalisant 22 milliards de dirhams. Parmi les pionniers, on peut citer des noms comme AfricInvest, CDG Invest Growth, et Mediterrania Capital Partners. Pivotons vers la France, où le nombre de sociétés de gestion dépasse les 300, ayant investi plus de 20 milliards d’euros dans un impressionnant total de 2.500 entreprises en 2023. Avec un PIB français de 2.800 milliards d’euros, soit environ 20 fois celui du Maroc, cela suggère que notre pays devrait en réalité supporter au moins une centaine d’entreprises par an pour véritablement rattraper son retard.
F.N.H. : En quoi le capital-investissement marocain se distingue-t-il des autres marchés émergents ?
F. B. : Le paysage du capital-investissement au Maroc revêt des spécificités intéressantes. D’une part, il est relativement jeune : entre 2018 et 2022, environ une vingtaine d’entreprises par an ont été investies. D’autre part, il existe une forte dépendance aux agences de développement international, qui représentent près de 70% des fonds levés. De plus, plus de 55% des financements proviennent de capitaux étrangers, indiquant une volonté internationale de s’impliquer dans notre marché. Les entreprises ciblées se concentrent principalement sur celles en phase de croissance, le capital développement représentant plus de 70% des investissements réalisés.
F.N.H. : Quels sont les jalons essentiels d’une transaction de capital-investissement ?
F. B. : Les transactions de capital-investissement suivent un parcours méthodique, s’articulant autour de plusieurs étapes clés :
• Prospection : Les sociétés de gestion ciblent avec soin des entreprises prometteuses. Ce repérage des opportunités s’opère via des réseaux établis incluant la SDG, des banques d’affaires ou même des approches proactives à partir de bases de données.
• Engagement de confidentialité : Pour accéder à des informations commerciales et juridiques sur la société cible, la SDG signe un engagement de confidentialité. Une étude préliminaire est ensuite réalisée pour analyser l’opportunité d’investissement et en dégager une valorisation.
• Lettre d’intention : Suite à la valorisation, une lettre d’intention non contraignante est adressée aux associés de la société cible, affirmant l’intérêt de la SDG à investir, en précisant le montant et le pourcentage de participation envisagé.
• Due diligence : Après acceptation de la lettre d’intention, la SDG engage des experts pour une analyse minutieuse des aspects financiers, juridiques, opérationnels et commerciaux de l’entreprise. Des rapports d’évaluation sont établis pour guider la décision finale.
• Négociation : En s’appuyant sur les résultats de la due diligence, commence un processus de négociation concernant les termes d’investissement, y compris la révision de la valorisation et d’autres considérations stratégiques.
• Documentation juridique : Une fois les modalités approuvées, les parties s’engagent légalement par le biais d’une documentation transactionnelle qui comprend le protocole d’investissement, le pacte d’actionnaires, et les conventions de garantie de passif et actif.
• Suivi et gestion : Post-investissement, la société de gestion ne relâche pas la pression ; elle supervise le rendement de l’entreprise, y compris la participation active aux conseils d’administration et le soutien aux stratégies de croissance pour augmenter la valeur de l’entreprise.
• Sortie : Enfin, la sortie peut s’opérer de diverses manières : cession à un industriel, vente à un autre investisseur financier, introduction en Bourse, ou rachat par les actionnaires existants.