Dans son analyse plus récemment divulguée, la société Attijari Global Research (AGR), sous l’égide de « Bank Al-Maghrib : un arbitrage ‘inflation-croissance’ qui s’annonce plus délicat sur le moyen terme », propose un décryptage fascinant des choix monétaires que la Banque centrale marocaine, Bank Al-Maghrib (BAM), exécute dans le contexte tumultueux des évolutions économiques globales. Ce document, taillé sur mesure pour les investisseurs aguerris, dévoile les décisions stratégiques de BAM tout en illustrant les multiples défis auxquels elle est confrontée pour jongler avec l’impératif de stimuler la croissance économique et de préserver la stabilité des prix.
Lors de sa première réunion trimestrielle de 2025, BAM a parallèlement réaffirmé son engagement vers une politique accommodante, en réduisant encore une fois son taux directeur de 25 points de base pour le ramener à un 2,25 % flatteur. Cette démarche marque une troisième baisse ininterrompue depuis juin 2024, une continuation évidente d’une stratégie visant à soutenir l’économie marocaine au milieu d’un océan de tensions géopolitiques, de prémices de guerre commerciale, et d’une croissance mondiale qui marque le pas. Malgré les menaces d’une inflation importée, la Banque centrale demeure fermement ancrée dans sa politique expansionniste, révélant une volonté manifeste de booster l’investissement tout en allégeant les charges de financement.
Une inflation en déclin
Le rapport souligne avec assurance un aspect crucial : la tendance à la baisse de l’inflation. Les prévisions pour 2025 sont ainsi révisées à la baisse, pointant vers un modeste 2,0 %, une légère baisse par rapport aux estimations antérieures de 2,4 %. Cela trouve son explication dans plusieurs facteurs. D’abord, la chute des prix de l’énergie à l’échelle mondiale, avec le baril de Brent maintenant en dessous des 70 dollars, joue un rôle décisif dans la mitigation des pressions inflationnistes. De plus, la politique fiscale adoptée par le gouvernement marocain, notamment à travers des actions en faveur du pouvoir d’achat et la décompensation progressive du gaz, s’inscrit dans cette tendance modératrice. Les conditions climatiques, dont des précipitations récentes, renforcent également les perspectives agricoles : la campagne céréalière devrait atteindre un volume de 35 millions de quintaux, en nette progression par rapport à l’année antérieure.
Cette accalmie sur le front des prix offre à Bank Al-Maghrib une opportunité en or pour maintenir, voire renforcer, son cap accommodant. AGR anticipe une continuité dans cette dynamique, avec une inflation projetée à 1,8 % dès 2026, consolidant ainsi l’objectif de stabilité des prix qui demeure au cœur des préoccupations de la Banque centrale.
Une croissance prometteuse
En ce qui concerne la croissance économique, les perspectives s’annoncent encourageantes. Le rapport évalue le taux de croissance du PIB à 3,9 % pour 2025, un chiffre au-dessus des 3,2 % de 2024. Cette évolution repose fortement sur les investissements prévue pour le Maroc, impulsés par un programme d’investissements public et privé de plus de 1.700 milliards de dirhams pour les cinq années à venir. L’environnement monétaire, plus clément, caractérisé par une diminution du coût du crédit, devrait catalyser le financement de l’économie tout en stimulant la consommation interne. AGR estime qu’une diminution de 25 points de base du taux directeur engendrerait une économie annuelle d’environ 300 millions de dirhams pour le Trésor public, réduisant ainsi les charges liées au service de la dette.
Des divergences mondiales entre banques centrales
Dans son évaluation, Attijari Global Research souligne également les divergences marquées entre les principales banques centrales à l’échelle mondiale. Tandis que la Banque Centrale Européenne continue d’abaisser ses taux pour atteindre un seuil neutre de 2 % d’ici la mi-2025, les autorités monétaires américaines adoptent un ton plus mesuré. La Réserve Fédérale, face à une inflation plus persistante et un environnement économique incertain, a choisi de suspendre sa politique d’assouplissement monétaire.
Malgré ces disparités dans les politiques monétaires mondiales, Bank Al-Maghrib s’efforce d’ajuster sa stratégie, prenant en compte tant les dynamiques internes que les évolutions externes. Depuis le début de 2025, une légère pression haussière sur les taux primaires à court et moyen termes est notée, influencée par une inflation temporairement accrue en janvier et une dépendance croissante du Trésor vis-à-vis du marché domestique des adjudications. Néanmoins, la récente décision de BAM d’abaisser son taux directeur devrait atténuer ces tensions, améliorant l’environnement financier à court terme.
Enfin, le rapport d’Attijari Global Research s’intéresse à la question cruciale des liquidités bancaires. Bien que le déficit de liquidité bancaire devrait se creuser en 2025, atteignant plus de 140 milliards de dirhams, les réserves de change du Royaume demeurent à des niveaux record, consolidant la stabilité du système financier marocain. Par ailleurs, la dynamique des crédits bancaires est prête à s’accélérer, dopée par une conjoncture de taux d’intérêt en baisse et par le soutien monétaire, avec une croissance anticipée des crédits de 5,9 % en 2025.
Ainsi, ce rapport met en lumière la toile de complexité croissante des arbitrages auxquels Bank Al-Maghrib doit faire face. Entre la nécessité de soutenir la croissance, la gestion de l’inflation et l’adaptation aux incertitudes internationales, la Banque centrale orchestre une politique délicate, veillant à maintenir des équilibres macroéconomiques tout en favorisant une relance durable.