Dans un véritable tourbillon financier, le marché des actions de la bourse de Casablanca a atteint un seuil spectaculaire en septembre 2024, enregistrant un Masi à 14.449 points, avec une flamboyante augmentation de 49% par rapport à son point le plus bas de janvier 2023, tout en se redressant de 16% depuis le début d’année. C’est un exploit boursier en seulement 20 mois ; cet essor, rappelons-le, n’est pas sans parallèle avec le bouillonnement observé dans les bourses occidentales cet été.
Cependant, les analystes d’Attijari Global Research, réputés pour la profondeur de leurs analyses, dans leur dernière étude « AGR House View » publiée en octobre, mettent en exergue deux observations cruciales qui relativisent cet exploit. Premièrement, la croissance des cours boursiers s’est révélée deux fois plus rapide que celle des bénéfices projetés pour la période 2023-2025, créant ainsi un écart significatif par rapport aux tendances des dix dernières années. Deuxièmement, ce phénomène est alimenté par un appétit solide pour les « valeurs de croissance », avec des valorisations atteignant des sommets vertigineux, jusqu’à 30 fois les bénéfices de 2024, représentant une prime de 50% en comparaison aux moyennes à long terme de l’indice principal, le MASI.
Les experts de l’AGR se questionnent sur la capacité du marché boursier marocain à soutenir de tels niveaux de valorisation. Ils appellent les investisseurs à intégrer des considérations de risques relatifs aux bilans financiers, à la durabilité des marges, à la génération de liquidités et à la volatilité des bénéfices prévisionnels. Une telle dynamique soulève des préoccupations justifiées ; les titres dont les coûts sont démesurés par rapport à leurs indicateurs économiques sont en effet souvent marqués par une rentabilité peu engageante sur le long terme, en plus d’une fragilité accrue lors des phases de ralentissement économique.
Ainsi, l’AGR préconise un revirement stratégique, en invitant les investisseurs à se tourner vers des actifs affichant une valorisation plus attractive et un profil de risque mieux équilibré, soit des valeurs offrant une véritable marge de sécurité face à une potentielle saturation du marché.
La montée des niveaux de valorisation a provoqué une capitalisation boursière qui croît à un rythme deux fois supérieur aux bénéfices anticipés pour 2023-2025, exacerbant un malaise déjà présent avec un ratio cours/bénéfice élevé, atteint en moyenne de 20.
De surcroît, l’analyse comparative de l’AGR révèle un fossé marqué entre les performances des « valeurs de croissance » et celles des secteurs traditionnels tels que les banques et les télécommunications, ces dernières se négociant à des multiples de bénéfices bien inférieurs à leur moyenne historique. Les secteurs d’Industries et Services, en revanche, semblent survalorisés, affichant un ratio P/E médian de 30, un indicateur alarmant dans le contexte actuel.
Les chiffres, qui interpellent, soulignent une dynamique boursière marquée par des risques sous-jacents mal appréhendés, comme en atteste l’analyse des performances de ces secteurs. Dans une telle atmosphère, pragmatisme et retour aux fondamentaux apparaissent comme les mots d’ordre.
Un retour aux principes de durabilité financière, couplé à une évaluation rigoureuse des capacités des entreprises à générer des bénéfices en cohérence avec leur croissance, devient essentiel. Dans ce contexte euphorique mais instable, les recommandations de l’AGR sont claires et sans ambages : les investisseurs doivent explorer des stratégies à contre-courant, cherchant à réorienter leurs portefeuilles vers des valorisations relativement plus pérennes tout en intégrant des notions fondamentales.
À bon entendeur.