En dépit d’une flambée exceptionnelle de 49 % des charges liées aux pertes sur créances au premier trimestre de l’année 2024, c’est avec une certaine surprise que l’on constate une progression fulgurante de 32 % du bénéfice net global par rapport à l’exercice précédent. Étonnamment, cette montée vertigineuse des charges est à mettre essentiellement sur le compte des provisions considérablement accrues des trois grandes banques panafricaines, à savoir l’AWB, la GBCP et la BOA, qui à elles seules, pèsent 93 % de cette hausse spectaculaire.
Il faut souligner que cette rentabilité globale a trouvé son socle grâce à une envolée des revenus de trading, en résonance parfaite avec la chute des taux d’intérêt. Cependant, d’un autre côté, le revenu net d’intérêts ainsi que les commissions n’ont enregistré qu’une embellie modérée, freinés par une demande de crédit timide, tandis qu’une concurrence acharnée polluait le paysage économique.
D’après les analyses de Fitch Ratings, nous pouvons nous attendre à une croissance des prêts à un chiffre en 2024 et 2025. Cette prévision optimiste repose sur la baisse des taux d’intérêt, sur une amélioration des conditions macroéconomiques, mais également sur l’accélération des projets d’infrastructure grandioses en lien avec la Coupe du Monde de 2030.
Les estimations révèlent également qu’au premier trimestre 2024, le bénéfice d’exploitation moyen, avant dépréciation des banques, a atteint un respectable 4 % des prêts bruts (annualisé), fournissant ainsi une protection acceptable pour absorber les chocs évoqués liés à la qualité des actifs tout en préservant l’intégrité du capital.
Il est à noter que certaines banques, malgré des marges étroites au-dessus des exigences réglementaires minimales, pourraient quand même voir leurs ratios de fonds propres se renforcer ou s’aligner, via des émissions de droits, une réduction stratégique des dividendes, ou bien une croissance réduite.
Bien que le taux directeur de la banque centrale marocaine ait été ajusté à la baisse de 25 points de base, tombant à 2,75 %, le processus de réajustement des prêts à des taux plus compétitifs risque d’être laborieux, compte tenu des longues durées de maturité des portefeuilles de prêts.
Pourtant, il faudra garder à l’esprit que la rentabilité sera soumise aux aléas d’un coût du risque qui demeure élevé, prévu pour l’année 2024. Dans une perspective plus large, Fitch Ratings anticipe une croissance du bénéfice net du secteur oscillant entre 15 % et 20 % pour la période 2024-2025.
Malheureusement, la qualité des actifs présente encore de nombreuses failles, avec un ratio consolidé moyen des prêts de stade 3 atteignant 10,3 % à la fin 2023. Il semble peu probable que cette situation se résorbe significativement sans l’existence d’un véritable marché secondaire dédié aux prêts non performants.