Depuis quelques semaines, le paysage bancaire marocain évolue sous l’impact d’un cadre réglementaire restructuré et plus rigoureux. En tête de ces exigences, le fameux Net Stable Funding Ratio (NSFR), ou ratio structurel de liquidité à long terme, impose désormais aux banques de maintenir un niveau minimal de ressources financières stables afin de couvrir leurs besoins de financement sur un horizon d’un an. En d’autres termes, il s’agit d’assurer que les établissements ne deviennent pas trop dépendants de financements à court terme pour financer des actifs qui s’étalent sur le long terme, une pratique délicate que l’on nomme transformation des échéances.
Un banquier d’une institution bien connue exprime son point de vue : « Le NSFR nous incite à réévaluer nos stratégies de financement. Là où nous étions habitués à recourir à des ressources à court terme avec un coût réduit, nous devons dorénavant mettre l’accent sur des financements plus stables. » Ainsi, cette exigence devrait permettre aux banques de se protéger davantage contre les chocs de liquidité, favorisant ainsi une croissance bancaire plus pérenne. Toutefois, pour certains établissements, cette transition va de pair avec une pression croissante sur les marges bénéficiaires, surtout à cause du coût accru des ressources à long terme.
Concrètement, le NSFR, fixé à un seuil d’au moins 100 % basé sur une approche sociale et consolidée, met en relation des capitaux propres et autres passifs, évalués selon leur stabilité, avec des actifs et des expositions hors bilan, qui sont eux, jugés selon leur liquidité et leur durée. Cette démarche pragmatique incite les banques à favoriser des sources de financement plus stables et à opérer une gestion prudente de leurs actifs.
Cependant, des experts résonnent quant à l’impératif de respecter cette norme, estimant qu’elle va forcer les banques à maintenir un plus grand volume de ressources à long terme pour faire face à des engagements tout aussi longs, ce qui va justement à l’encontre de la pratique bancaire traditionnelle — prêter à long terme tout en se refinançant à court terme. Il en résulte une pression sur les coûts de refinancement, susceptible d’engendrer une augmentation des taux d’intérêt.
ILAAP : Une évaluation interne renforcée
Parallèlement, la seconde norme, l’Internal Liquidity Adequacy Assessment Process (ILAAP), qui traduit le processus d’évaluation de l’adéquation de la liquidité, met en exergue l’importance de l’évaluation interne des risques de liquidité par les banques elles-mêmes. Contrairement au NSFR, qui est fondé sur des ratios stricts, l’ILAAP requiert des établissements bancaires qu’ils déploient des mécanismes robustes destinés à identifier, mesurer et administrer leurs risques de liquidité. Cette approche comprend la constitution de coussins de liquidité de haute qualité, même en période de tensions prolongées.
Comme le souligne un expert du domaine, « l’ILAAP représente une véritable révolution dans la gestion de la liquidité. Il ne s’agit plus simplement d’ajuster des chiffres face à des ratios réglementaires, mais de bâtir une véritable stratégie en anticipant divers scénarios de crise. Cela nous pousse à envisager des situations spécifiques au marché marocain, comme des tensions sur les dépôts ou des fluctuations monétaires ». En effet, cette réglementation ne se limite pas à une évaluation superficielle. Elle se couple à un renforcement des indicateurs de surveillance liés à la liquidité, avec une attention particulière sur :
• La liquidité intra-journalière, qui requiert une gestion minutieuse des flux de trésorerie quotidiens pour honorer les obligations de paiement et de règlement, que ce soit en temps normal ou en temps de crise.
• Le LCR par devise, qui impose un suivi rigoureux du Liquidity Coverage Ratio (LCR) pour chaque devise significative, suivant la circulaire de Bank Al-Maghrib n°15/G/2013.
• Les actifs liquides non grevés, garantissant la disponibilité d’actifs qui peuvent servir de garantie pour obtenir des refinancements sur les marchés.
• La concentration des financements, qui exige une vigilance accrue vis-à-vis de la dépendance à certaines contreparties ou types d instruments.
Dans ce cadre, notre banquier précise que « ce processus va nous être crucial pour déceler des vulnérabilités antérieurement inaperçues. À titre d’exemple, la gestion de la liquidité intra-journalière, souvent négligée, se révèle être un enjeu majeur en cas de stress.»
Un double objectif de stabilité et de résilience
L’implémentation simultanée du NSFR et le renforcement de l’ILAAP signalent une avancée significative dans le processus d’adaptation du système bancaire marocain aux normes de Bâle III. Ces propositions visent à atteindre un double objectif : renforcer la stabilité du système en limitant les risques de liquidité, tout en augmentant sa résilience face à des crises potentielles. Toutefois, comme le remarque un expert, « toutes les banques ne disposent pas des mêmes capacités opérationnelles. Pour les institutions les plus modestes, ces nouvelles obligations requerront des investissements conséquents, tant sur le plan technologique que sur celui de la formation ».
Ainsi, les banques marocaines seront amenées non seulement à respecter des ratios plus exigeants, mais également à adopter une approche plus proactive et individualisée en matière de gestion des risques de liquidité. En somme, cette double exigence pourrait bien renforcer la solidité du secteur bancaire marocain tout en consolidant sa capacité à soutenir le financement de l’économie nationale.