L’institut monétaire, qui tiendra sa réunion imminente ce jeudi à Francfort, a déjà procédé à un ajustement crucial lors de sa dernière session en juin. En effet, le taux de dépôt, référence clé, a été réduit, marquant une baisse significative d’un sommet historique de 4% à 3,75%.
Cela représente la première diminution en l’espace de cinq ans, survenant après une phase de renchérissement du crédit sans précédent, une réaction essentielle face à une inflation galopante dont les origines sont en partie attribuées à la guerre en cours entre la Russie et l’Ukraine.
Étonnamment, malgré une inflation qui conserve son caractère imprévisible, avec des hausses notables en mai pour les prix et les salaires, les gardiens de l’euro ont décidé d’opérer une réduction des taux. Christine Lagarde, présidente de la BCE, a d’ores et déjà averti que le rythme et la pérennité des baisses à venir demeurent “extrêmement incertains”.
Elle a affirmé que “notre mission n’est pas achevée et que nous devons rester sur nos gardes”, une déclaration faite debout à Sintra, au Portugal, au tout début de juillet. Il lui a fallu insister sur le fait qu’un laps de temps substantiel sera nécessaire pour collecter “des données suffisantes” afin de s’assurer que l’inflation se dirige réellement vers l’objectif de 2% fixé par l’institut.
Les augmentations salariales observées au sein de la zone euro, mises en place pour contrer l’inflation, “offrent le temps nécessaire”, a-t-elle ajouté, soulignant l’importance de ces éléments dans la dynamique économique européenne.
De ce fait, la BCE devrait “aborder les vacances d’été sans envisager de nouvelles réductions des taux d’intérêt”, selon les analyses de Fritzi Köhler-Geib, économiste en chef à la banque publique KfW.
En juin, l’inflation de la zone euro a enregistré une augmentation à 2,5% sur un an, après un pic à 2,6% en mai. Pourtant, l’inflation “sous-jacente” — ajustée des variations erratiques des prix de l’énergie et des denrées alimentaires — qui suscite une attention soutenue de la part des marchés et de la BCE, est restée stable à 2,9% sur une base mensuelle.
Les services, sectoriellement où les composantes de salaire jouent un rôle prépondérant, continuent de voir leurs prix grimper significativement (+4,1% sur un an), représentant la plus forte contribution à l’inflation observée actuellement.
Selon les prévisions actualisées de juin, la BCE anticipe une décrue de l’inflation à 2% d’ici fin 2025. “La prochaine réduction annoncée par la BCE surviendra en septembre”, prévoit Carsten Brzeski d’ING. Toutefois, il a tenu à nuancer, rappelant que cela ne sous-entend pas forcément une série de baisses successives.
Tout cela dépendra des conditions préalables, notamment d’une lenteur dans la croissance des salaires d’ici là, selon les commentaires de Mme Köhler-Geib. Une tendance que certains responsables de la BCE estiment voir s’atténuer au cours de l’année.
Par ailleurs, la capacité d’action de la BCE pour abaisser les taux est conditionnée par l’orientation de la politique budgétaire des gouvernements européens, souligne encore Mme Köhler-Geib. Le focus se place sur la France, sur fond d’élections législatives récemment tenues, suscitant l’inquiétude des marchés vis-à-vis de l’absence d’une majorité claire à l’Assemblée nationale, générant ainsi des doutes quant à une gestion prudente des déficits.
Ce tableau incertain pourrait engendrer des tensions sur les taux d’emprunt de la dette française, mettant la BCE dans une position où les interventions pourraient s’avérer nécessaires.
Sur le marché obligataire, la tranquillité prévaut encore : le taux d’intérêt de l’emprunt français à dix ans s’établit à 3,15%, presque au même niveau qu’il y a un mois, avant l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale.
Dans cette atmosphère tendue, jeudi prochain, Mme Lagarde devrait réaffirmer que la BCE reste attentive aux mouvements du marché, tout en rappelant que “les États membres de la zone euro ont convenu d’un cadre budgétaire à respecter”, comme le mentionnent les économistes de Deutsche Bank dans une note.
Peu après les élections, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a appelé à “prendre en compte les réalités économiques” et à éviter de “trop alourdir les coûts salariaux” pour les entreprises.