Dans l’imaginaire collectif des entrepreneurs, la Bourse est souvent associée à un échiquier complexe, quasi exclusif aux géants industriels et aux multinationales. Cette perception, loin d’être une fatalité, génère un vent d’inquiétude, d’hésitation et parfois un rejet absolu, souvent pour des raisons infondées. C’est dans ce contexte qu’émerge l’histoire inspirante de Dari Couspate sur le marché boursier. Lors d’une rencontre révélatrice le 31 janvier, Hassan Khalil, le directeur général et fils du fondateur, Mohammed Khalil, a partagé cette trajectoire fascinante.
« Au début, l’idée d’une introduction en Bourse ne faisait même pas partie de nos réflexions. Nous étions plutôt concentrés sur une éventuelle cession, tout en explorant la possibilité d’impliquer un fonds d’investissement. La Bourse nous semblait être un labyrinthe opaque, exclusivement réservé aux élites. Les inquiétudes étaient omniprésentes : peur de dévoiler notre clientèle, exigence d’une transparence radicale, et contraintes réglementaires accablantes », se confie-t-il devant un auditoire de professionnels.
Étonnamment, tandis que ses enfants demeuraient dans le doute, le père Khalil montrait un optimisme sans borne, convaincu des bénéfices d’une cotation en Bourse. « Rapidement, il a saisi les multiples atouts d’une telle décision », se remémore son fils. En réalité, le secteur agroalimentaire entretient une relation séculaire avec les marchés financiers. Dès 1873, pas moins que Nestlé marquait son empreinte avec son introduction à la Bourse de Zurich, établissant ainsi les bases d’un lien indéfectible entre l’agro-industrie et les financements boursiers.
Depuis des générations, la Bourse a joué un rôle prépondérant dans l’édification de ce secteur, notamment à travers le financement d’infrastructures vitales, telles que les abattoirs ou les réseaux d’approvisionnement. Aujourd’hui, l’agro-industrie représente environ un quart de l’industrie marocaine, tant en termes de valeur ajoutée que de contribution à l’économie nationale, surpassant même des secteurs emblématiques comme l’automobile. Pourtant, rares sont les entreprises de cette branche à choisir le marché boursier comme levier de financement. Quelques pionnières, comme Dari Couspate ou Cartier Saada, ont osé franchir le pas.
Un impact significatif sur la gouvernance
L’un des changements les plus significatifs engendrés par cette entrée en Bourse est sans doute l’amélioration de la gouvernance. Dari Couspate a dû intégrer des administrateurs indépendants, une démarche autrefois inimaginable. Cette mutation a insufflé un vent de renouveau dans la gestion et la planification stratégique, conduisant à des décisions plus éclairées et à une gouvernance plus robuste. « La gouvernance a gagné en professionnalisme, apportant une précieuse plus-value en termes de transparence et d’organisation », souligne le directeur général de l’entreprise.
Pour les petites et moyennes entreprises, cette évolution représente une étape cruciale. Au fil des jours, les équipes dirigeantes, souvent engluées dans les enjeux opérationnels, manquent parfois de perspective sur des choix stratégiques. L’intégration d’une gouvernance structurée, alimentée par les exigences du marché, consolide la résilience de l’entreprise, garantissant ainsi sa durabilité. L’introduction en Bourse a également permis à Dari Couspate de bénéficier d’une crédibilité renforcée, tant sur le plan bancaire que commercial. Dans son interaction avec les autorités, les clients et les partenaires internationaux, le statut boursier s’est révélé être un atout indéniable.
De nombreuses opportunités, y compris sur la scène internationale, se sont alors présentées. L’expérience de Dari Couspate illustre de manière éclatante que la Bourse n’est pas exclusivement l’apanage des grandes structures. Certes, cette démarche impose des contraintes et requiert une certaine maturité en termes de gestion, mais en retour, elle offre une visibilité sans précédent, un accès facilité aux financements et une amélioration structurelle de la gouvernance. Avec une capitalisation boursière évaluée à un milliard de dirhams pour près de 900 millions de dirhams de chiffre d’affaires, Dari Couspate se positionne sur un marché attirant l’attention des investisseurs. Sa réputation de bonne gestion, conjuguée à un secteur à fort potentiel, et à une marque qui arpente le globe, plaira à un public avide de découvertes. Toutefois, le titre pourrait bénéficier d’une liquidité accrue pour gagner encore en visibilité.