Marrakech devient, le temps d’une semaine, le carrefour des réflexions stratégiques autour de l’assurance en Afrique. La 49ème Assemblée générale de la Fanaf (Fédération des sociétés d’assurances de droit national africaines), placée sous le haut patronage du Roi Mohammed VI, a mis en lumière les défis ainsi que les opportunités d’un secteur en quête effrénée d’innovation et d’inclusion. Au cœur de ces échanges, le rôle prépondérant du Maroc, perçu comme catalyseur de croissance et véritable laboratoire d’idées pour le continent.
Dès l’entame des débats, la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah, a réitéré la détermination du Maroc à booster le développement d’un secteur assurantiel africain plus solide et inclusif. À travers une stratégie nationale d’inclusion financière, le Royaume s’engage à étendre l’accès aux services financiers à l’ensemble de la population, avec une seconde phase de cette initiative qui débutera en 2025. Cette vision est pragmatique : il ne s’agit plus uniquement de stimuler l’adoption des produits d’assurance, mais de bâtir un écosystème harmonisé où l’offre répond réellement aux besoins des citoyens.
Fettah souligne que l’inclusion financière constitue un levier essentiel pour sauvegarder la stabilité économique et sociale. Cette importance s’est révélée lors du séisme d’Al Haouz, où le régime marocain de couverture des catastrophes, instauré en 2020, a montré sa pertinence. Ce dispositif, qui allie une couverture assurantielle pour les assurés et un système de solidarité nationale pour les non-assurés, devient une référence dans le financement des risques liés aux aléas climatiques.
Sur un continent où les catastrophes naturelles et les chocs économiques ébranlent les fondements sociaux, une telle approche pourrait donner naissance à d’autres initiatives innovantes. L’Afrique doit donc relever d’ardents défis structurels : un taux de pénétration de l’assurance encore très faible (3,5 %), une offre souvent inadaptée aux réalités locales et un manque de sensibilisation aux produits d’assurance parmi une grande partie de la population.
Mohamed Bensalah : Vers un marché unique de l’assurance en Afrique
Mohamed Hassan Bensalah, président de la FMA, a plaidé pour une transformation en profondeur du secteur assurantiel africain, mettant l’accent sur l’urgence de construire un marché unique de l’assurance. Face à un taux de pénétration encore trop bas, il est primordial d’accélérer l’intégration du secteur et d’innover afin de satisfaire les légitimes attentes des populations et des entreprises. « L’Afrique de demain sera le reflet d’une force unie et résiliente. Unir nos marchés et harmoniser nos réglementations est la clef de ce défi », a-t-il déclaré. Pour lui, la mise sur pied de ce marché unifié repose sur trois piliers : une réglementation homogène, une digitalisation rapide, et une coopération renforcée entre tous les acteurs concernés. Il a également souligné le rôle incontournable des Insurtechs et de l’intelligence artificielle en tant qu’accélérateurs de cette métamorphose, tout en alertant sur l’urgence d’anticiper les cyberrisques qui pourraient entraîner une perte de 10 % du PIB africain, selon un rapport d’Orange Cyberdéfense. En outre, il a rappelé que le Maroc, sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, a constamment prôné l’intégration économique du continent, et que l’accueil de l’Assemblée générale de l’OAA en 2027 à Marrakech représentera une étape significative dans ce parcours.
Digitalisation, micro-assurance et nouveaux enjeux
L’innovation et la digitalisation apparaissent comme des clés essentielles pour accélérer l’inclusion dans le domaine assurantiel. Des pays comme le Kenya et la Tanzanie ont prouvé qu’en ajustant les produits d’assurer aux usages mobiles et en menant des campagnes de sensibilisation ciblées, il est possible de redéfinir la perception du secteur et d’augmenter son adoption. Mohamed Bensalah a insisté sur l’importance d’intégrer la micro-assurance comme prioritée stratégique. « L’assurance ne doit plus être un luxe réservé à une minorité », a-t-il affirmé. Une proposition substantielle émerge : instaurer des couvertures obligatoires pour des segments comme la « multirisque habitation » ou la « responsabilité civile professionnelle » dans les secteurs à risque. Mais au-delà d’une approche inclusive, le secteur doit également se préparer à de nouveaux périls. La montée des cyber-risques représente un enjeu crucial pour les économies africaines.
Selon un rapport d’Orange Cyberdéfense, les cyberattaques pourraient entraîner des pertes de 10% du PIB du continent. Dans ce contexte, les assureurs africains sont invités à développer des solutions adaptées avec l’aide d’importants réassureurs internationaux. Bien que l’innovation et la diversification des produits soient vitales, elles nécessitent un cadre réglementaire solide. Abderrahim Chaffai, président de l’ACAPS, a insisté sur la nécessité d’une régulation appropriée pour soutenir ces changements.
« Une réglementation adéquate, une innovation soutenue, et la synergie entre assureurs et régulateurs sont impératives pour ériger un marché de l’assurance durable et inclusif en Afrique », a-t-il conclu. Ce renouveau amorcé, mais quel sera le moteur pour l’avenir ? Lors de cette assemblée, un consensus a émergé : l’Afrique doit urgemment dynamiser sa transformation assurantielle, sous peine de voir son développement ralenti par des risques mal pris en compte et une inclusion financière inachevée. Pourtant, malgré les aspirations affichées, la réalité de la transformation demeure encore fragile.
Abderrahim Chaffai : L’inclusion, une nécessité pour l’Afrique
Pour Abderrahim Chaffai, président de l’ACAPS, le développement du secteur de l’assurance en Afrique est indissociable d’une stratégie éclairée d’inclusion financière et de la modernisation des cadres réglementaires. Lors de ses interventions à cette 49ème Assemblée générale de la Fanaf, il a mis l’accent sur l’urgence d’adopter des solutions adaptées aux réalités locales et accessibles à tous. La micro-assurance, conjuguée à l’essor du digital, devrait garantir une couverture aux populations vulnérables et renforcer la résilience des économies africaines. Il a également rappelé que les pouvoirs publics et les régulateurs ont un rôle majeur à jouer en instaurant des dispositifs obligatoires capables de protéger efficacement les individus et les entreprises. « Seuls, nous avançons lentement ; ensemble, nous accomplissons de grandes choses », a-t-il martelé, appelant à une coopération renforcée pour ériger un écosystème d’assurance solide et inclusif, apte à faire face aux défis économiques et climatiques du continent.