Au Maroc, une véritable révolution se dessine sur le marché des obligations subordonnées perpétuelles. Enchevêtrées entre la dette et le capital, ces instruments financiers, au caractère si particulier, séduisent de plus en plus les acteurs du secteur. Ils sont perçus comme des fonds propres additionnels par les autorités de régulation et les agences de notation. Cela permet aux émetteurs de peaufiner leurs ratios de solvabilité tout en jouant sur une flexibilité inégalée dans la gestion de leur passif. Cependant, cet univers complexe est réservé aux investisseurs aguerris, tels que les Organismes de Placement Collectif en Valeurs Mobilières (OPCVM), dont les stratégies sont minutieusement ajustées pour épouser la nature singulière de ces instruments.
Une ascension fulgurante
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’encours total des obligations subordonnées perpétuelles a atteint, en 2023, le plafond historique de 36,61 milliards de dirhams, une montée vertigineuse de près de 10,65 milliards de dirhams par rapport à 2022. Cette flambée témoigne d’un intérêt de plus en plus marqué pour ces actifs, malgré les aléas qu’ils cachent.
Les émissions de types 2 et 3 ont particulièrement fait pencher la balance, levant respectivement 5 milliards et 5,65 milliards de dirhams cette année-là. Les obligations de type 3, connues également sous le nom d’AT1 (Additional Tier 1), se positionnent comme des alliées incontournables pour les banques marocaines en quête de consolider leurs fonds propres réglementaires, tout en respectant les normes édictées par Bank Al-Maghrib.
À noter que la dernière opération marquante dans ce secteur a été orchestrée par la BCP, avec une émission réalisée le 27 juin 2024 pour un montant de 800 millions de dirhams.
Une subtilité de risque inéluctable
Certes, l’aubaine que représente ces obligations perpétuelles ne s’accompagne pas d’une absence de risques. Paradoxalement, leur structure révèle des caractéristiques qui complexifient davantage l’équation : l’émission peut différer les paiements de coupons ou enregistrer une dépréciation de la valeur nominale, sans oublier les incertitudes liées à la récupération en cas de défaillance. Les émissions de types 1 et 2 sont particulièrement exposées, car l’émetteur peut reporter le versement des intérêts en fonction de sa santé financière, voire annuler certains coupons.
Cette latitude accordée aux émetteurs se révèle finalement lourde de conséquences pour les investisseurs, leur conférant un risque de rémunération différée ou entièrement annulée, sans compter la liquidité souvent chétive sur le marché secondaire. L’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC) a, de son côté, bien circonscrit l’accès à ces obligations perpétuelles en restreignant leur acquisition aux investisseurs qualifiés, témoignant ainsi d’une vigilance accrue autour de ces produits.
Les OPCVM en première ligne
Les OPCVM, principaux acteurs de ces émissions, assument un rôle primordial dans la structuration et le dynamisme de ce marché. Il va sans dire que l’AMMC impose rigoureusement que seuls les OPCVM intégrant explicitement dans leur stratégie d’investissement ces obligations perpétuelles puissent naviguer dans ces eaux. Cette mesure vise à sécuriser les investisseurs moins chevronnés tout en garantissant une liquidité adéquate pour ceux détenant ces actifs.
Alors que l’encours ne cesse d’escalader, les obligations subordonnées perpétuelles semblent s’ériger en piliers incontournables des stratégies de financement des institutions bancaires marocaines. En 2023, ce marché a franchi des seuils inédits, et tous les indicateurs laissent présager que cette dynamique ne faiblira pas dans les années à venir.
À ce jour, le paysage des obligations subordonnées perpétuelles au Maroc se décline en trois typologies :
• Type 1 : Émissions obligataires subordonnées perpétuelles dotées d’une clause de remboursement anticipé à compter de la 10ème année, après accord de Bank Al-Maghrib, et avec un préavis de 5 ans minimum, en plus d’une disposition permettant à l’émetteur de différer les paiements d’intérêts selon ses conditions financières.
• Type 2 : Émissions d’obligations subordonnées perpétuelles, offrant une option de remboursement à partir de la dixième année, sous certaines conditions. Les modalités stipulent également que l’émetteur peut à sa discrétion choisir de reporter le paiement d’un ou plusieurs coupons. De plus, le cas échéant, il est interdit d’allouer des dividendes ou de rémunérer des titres de même rang.
• Type 3 : Émissions obligataires du type AT1 réalisées par des établissements de crédit pour fortifier leurs fonds propres réglementaires. Ainsi, le traitement prudentiel admet ces instruments comme fonds propres additionnels de catégorie 1, en conformité avec la circulaire n° 14/G/2013 de Bank Al-Maghrib, du 13 août 2013.