En 2023, le Maroc s’est vu confronté à une réalité alarmante en matière d’importations énergétiques, totalisant un impressionnant montant de 122 milliards de dirhams, selon l’Office des changes. Ce chiffre, pesant lourdement sur les finances d’une économie en plein essor, découle en grande partie d’une dépendance excessive aux énergies fossiles, générant ainsi un déficit préoccupant. Évaluant la situation énergétique du pays, le gouvernement marocain a décidé d’introduire une taxe carbone dans son projet de Loi de Finances pour 2025. Cette initiative a pour objectif de réduire la facture pétrolière nationale et de réorienter progressivement la matrice énergétique vers des ressources renouvelables, à la fois moins onéreuses et plus durables.
Hassan Edman, expert en économie à la faculté des sciences juridiques, économiques et sociales d’Agadir, explique que cette taxe carbone est une composante essentielle de la politique économique marocaine, ancrée dans le principe bien connu du «pollueur-payeur». À travers une redevance par tonne de CO2 émise, la taxe se présente comme un levier fiscal, visant à à la fois diminuer les émissions de gaz à effet de serre et à créer des opportunités économiques pour le Maroc, tant sur le plan public que privé. C’est un outil stratégique, un véritable pilier pour le renforcement des finances publiques.
«L’un des bénéfices escomptés de cette mesure serait l’amélioration du solde budgétaire du pays à hauteur de 0,8% du PIB, selon l’OCDE. Ces revenus pourraient ainsi financer des infrastructures écologiques et des services publics tout en réduisant l’impact sur les ménages à faibles revenus grâce à des programmes sociaux en cours», précise Edman. De plus, la taxe pourrait stimuler la demande pour des solutions écologiques, favorisant ainsi le développement de nouveaux projets et l’attraction d’investissements étrangers dans le secteur des technologies durables.
Une orientation vers une économie verte et dynamique
À travers cette taxe carbone, le Maroc ambitionne de redéfinir les choix énergétiques de ses acteurs économiques, dynamisant ainsi leur capacité d’innovation. En augmentant le coût des énergies fossiles, ce mécanisme incitatif devrait encourager une transition vers des modes de production moins polluants. «Ce dispositif incitatif met la pression sur les producteurs, notamment les industries, leur demandant d’adopter des pratiques plus durables tout en facilitant une démarche collective de décarbonisation, efficace et rapide», explique Hassan Edman.
Ce processus constitue un levier crucial pour la politique fiscale du Maroc. En déplaçant une partie de la responsabilité écologique de l’État vers la société dans son ensemble, elle incite chacun à réfléchir à l’impact de ses choix économiques sur l’environnement et la collectivité. Plus qu’un simple instrument économique et écologique, la taxe carbone pourrait également renforcer la position du Maroc sur la scène internationale, en tant que leader africain de la finance verte. Cette ambition s’inscrit dans la volonté du Royaume de respecter ses engagements climatiques, tout en se préparant à d’éventuelles réglementations internationales, notamment celles de l’Union européenne. Ainsi, la mise en place d’une taxe carbone pourrait très bien représenter une réponse proactive à un enjeu de compétitivité, permettant l’alignement des normes de production marocaines avec celles de ses partenaires européens et, partant, de préserver les parts de marché du pays.
Des défis à surmonter pour une mise en œuvre efficace
Cependant, la concrétisation de cette taxe n’est pas sans soulever des interrogations quant à ses répercussions immédiates sur l’économie marocaine. Parmi ces questions figure l’éventuel impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Les entreprises, en particulier celles du secteur industriel à forte consommation énergétique, pourraient transmettre le coût supplémentaire de la taxe dans leurs prix de vente, engendrant ainsi une hausse des tarifs pour les consommateurs.
«Bien que l’objectif de cette taxe soit de diminuer la consommation d’énergies fossiles et d’atténuer les activités polluantes pour le bien commun, certains voient cela comme une intrusion de l’État dans les libertés individuelles. Ils soutiennent que l’État ne devrait pas restreindre certaines activités pour des raisons écologiques. Il est impératif de ne pas négliger les défis associés à cette mesure fiscale, surtout en ce qui concerne l’équité sociale, l’attractivité de l’économie marocaine et la compétitivité des industries nationales», avertit Edman. Ainsi, une application graduelle de la taxe pourrait être nécessaire, permettant aux entreprises d’ajuster leurs processus sans freiner la croissance économique.