Le 18 mars, Bank Al-Maghrib (BAM) a fait sensation en réduisant son taux directeur de 25 points de base, le faisant passer de 2,50 % à 2,25 %. Ce choix inattendu a porté un coup à la prévalence des pronostics, qui s’attendaient à un statu quo. Dans son communiqué, la Banque centrale a évoqué une inflation compatible avec ses objectifs de stabilité des prix, tout en invitant à un soutien renforcé à l’activité économique et à l’emploi. Toutefois, un nouveau mouvement pourrait ne pas se produire avant le second semestre de l’année.
D’après BMI, BAM pourrait abaisser son taux directeur une nouvelle fois, prédisant qu’il atteindra 2,00 % d’ici à la fin de 2025. Cependant, à court terme, une certaine prudence est de mise, notamment dans le contexte du deuxième trimestre, où la Banque centrale européenne (BCE) devrait rester sur ses positions en avril, alors que les tensions commerciales, notamment vis-à-vis des États-Unis, se renforcent.
Historiquement, BAM a toujours cherché à maintenir un différentiel de taux positif face à la BCE pour attirer les capitaux étrangers et soutenir la valeur du Dirham. Pourtant, depuis le début de l’épisode de resserrement monétaire en Europe en 2022, cet écart s’est inversé et est devenu négatif. Malgré la robustesse des réserves de change du Maroc et l’attrait croissant du royaume dans le cadre de stratégies de relocalisation, les autorités monétaires pourraient envisager de rétablir ce différentiel dès que les conditions internationales le permettront.
Conditions favorables à un assouplissement nouveau
Trois facteurs principaux laissent entrevoir un nouvel assouplissement : d’abord, l’inflation devrait rester sous contrôle. Les prix mondiaux des denrées de base, tels que le blé, le sucre et le soja, sont prévus en légère baisse en 2025, contribuant ainsi à stabiliser l’inflation alimentaire, qui pèse pour 39 % de l’indice des prix à la consommation au Maroc. Les bonnes pluies de mars annoncent aussi une amélioration de l’offre agricole. En ce qui concerne l’énergie, la tendance est baissière grâce à une offre mondiale accrue neutralisée par des tensions commerciales.
Ainsi, l’inflation moyenne pourrait se chiffrer à 1,6 % en 2025, restant sous la cible implicite de 2 %. Parallèlement, le chômage demeure alarmant, atteignant 13,3 % au quatrième trimestre 2024, bien au-delà des niveaux d’avant la pandémie. Le secteur agricole, qui emploie près d’un tiers de la population active, continue de se fragiliser, tandis que l’exode vers les villes exerce une pression accrue sur le marché de l’emploi urbain, où le taux de chômage a grimpé à 16,9 %.
BAM pourrait donc envisager de relancer le crédit, dont la croissance reste moribonde (3,8 % en janvier 2025, comparé à 4,8 % en moyenne durant 2020-2024), afin de stimuler investissements et créations d’emplois. En somme, la reprise d’un assouplissement monétaire aux États-Unis et en zone euro à partir de mi-2025 offrirait à BAM une marge de manœuvre supplémentaire, sans craindre de déséquilibres extérieurs. Si la BCE finissait l’année à un taux de 1,75 %, le différentiel redeviendrait positif, conférant une plus grande latitude à la Banque centrale marocaine. Malgré ces éléments encourageants, un assouplissement massif semble peu plausible.
L’économie marocaine devrait enregistrer une croissance soutenue en 2025, s’élevant de 3,3 % à 5 %, tirée par l’investissement étranger, une politique budgétaire expansionniste et l’augmentation des transferts des MRE. Cette dynamique réduit le besoin d’un soutien monétaire plus agressif. Par ailleurs, de nouvelles baisses de taux pourraient apauvrir le différentiel avec la BCE, exposant ainsi le Dirham à des pressions en cas de choc externe, tel qu’une flambée soudaine des prix des matières premières. La préservation de solides réserves de change, en termes de mois d’importations, demeure un gage de sécurité, mais la Banque centrale veille à maintenir cette stabilité.
Scénarios de risques
Cependant, plusieurs incertitudes pourraient infléchir ce tableau optimiste. Une escalade des tensions géopolitiques au Moyen-Orient, en particulier entre l’Iran, les États-Unis et Israël, pourrait propulser les prix du pétrole à la hausse, relançant ainsi l’inflation. Un resserrement de la BCE en réponse à une résurgence des pressions inflationnistes en Europe pourrait également freiner les ambitions d’assouplissement de BAM. À l’opposé, une croissance mondiale inférieure aux attentes pourrait, à son tour, influer sur les prix des matières premières, ouvrant la voie à une nouvelle baisse des taux au Maroc. Un maintien au niveau actuel du Dollar, en parallèle avec des flux de devises soutenus, atténuerait aussi les inquiétudes devant le Dirham, créant ainsi un contexte où BAM pourrait envisager un troisième assouplissement en 2025.